Zuzanna Rokita

« Il arrive que celui qui fixe longuement un point brillant meure à la réalité extérieure, ou que la réalité se prenne à mourir autour de lui » écrit Paul Nouge dans L’homme en proie aux images; le photographe décrit avec grâce ce flottement de la vision que recherche précisément Zuzanna Rokita dans ses œuvres. J’ignore si cette dernière a regardé un jour le soleil droit dans les yeux jusqu’à ce qu’adviennent des phosphènes pétillants, mais son travail pictural comme photographique est centré sur la quête permanente de la représentation la plus sensible possible de la lumière. Celle qui dit « essayer de portraiturer la lumière », à l’origine de notre perception de réel comme de toute image, refuse toutefois la représentation de ses sources et préfère se fier aux sensations lumineuses pour en donner une interprétation matérielle. C’est par exemple l’usage qu’elle fait des calques, découpes et superposes à la surface d’une toile noir, jusqu’à ce que le blanc affleure, à force de transparences et d’opacités. C’est également l’usage de bombes dont la peinture vaporisée vient se déposer par nappes légères sur son support. C’est encore l’usage d’un projecteur de diapositives vide qui vient projeter un nouvel écran sur ses toiles, matière lumineuse qui se superpose à une autre matière lumineuse. C’est aussi, enfin, son travail de photogrammes pour lesquels elle utilise des objets ambigus, qui captent la lumière et la restituent dans une matérialité parfois d’une grande densité, parfois presque évanouie : papier calque, sucre, sacs plastique… Le travail de Zuzanna Rokita est austère et précis, mais ce n’est pas la une affèterie ou un effet de style: seule compte dans ses compositions la pure contemplation d’une sensation optique vibrante. Camille Poulhan

LIGHT WRITING, photogramme, 50 x 60 cm, 2015

Cmienie, Art agenda Nova, Krakow, 2015